L’histoire du château

Des Origines Gallo-Romaines au XIIème siècle

Sur ce promontoire stratégique, aux confins des tribus gauloises des arvernes (ancêtres des auvergnats) et des lemovices (ancêtres des limousins), se dressait un poste fortifié destiné à surveiller l’horizon et à protéger, depuis l’époque de la conquête romaine, la voie qui, traversant l’Aquitaine, reliait Bourges à la Garonne.
Au Vème siècle, à l’époque de l’empereur Honorius, une colonie romaine est fondée par un certain Scaurus Aurelius d’où sortira, quelques siècles plus tard, l’illustre famille de Scorailles.
Une tradition forte accréditée, et qui se fonde sur une charte supposée du VIe siècle, veut que le château de Scorailles ait été la propriété et la résidence ordinaire de Basolus, ce duc ou comte d’Auvergne, que Clovis ou Thierry son fils, dépouillèrent de ses grands biens en faveur de l’abbaye de St-Pierre-le-Vif de Sens, et dont une partie fut consacrée à la dotation du monastère de Mauriac.

767 : prise du premier château par Pépin le Bref et son fils Charlemagne.

Depuis l’an 671, l’Aquitaine se trouve pratiquement indépendante. Ses ducs mènent une politique tout à fait personnelle. Pépin-le-Bref, fils de Charles Martel qui a si bien arrêté l’invasion arabe en 732 à Poitiers, continuant l’oeuvre de son père, veut soumettre la province indocile et la réunir au royaume franc. Il attaque le Duc Waiffre, bien décicé à le pousser dans ses retranchements.
« En 767, au mois d’août, Pépin retourna en Aquitaine ; rendu à Bourges, il tient une assemblée de Francs et, continuant de là sa marche, il parvient jusqu’à la Garonne. Dans ce voyage, il conquiert une foule de positions fortes, entre autres : les châteaux de Scorailles, de Turenne et de Peyrusse. »

Dans cette campagne, Pépin le Bref est accompagné par son fils Charlemagne. Les ruines de l’enceinte fortifiée s’élèvent au nord-est et en contrebas du village d’Escorailles, sur un éperon rocheux découpé par un profond méandre de l’Auze, à l’endroit nommé maintenant “La Trizague”. On peut encore distinguer plusieurs formes de retranchements.
L’enceinte fortifiée qui date du Haut Moyen Âge a été classée monument historique par arrêté du 8 septembre 1978.

Reconstitution de la motte castrale
Photo aérienne des traces de l’enceinte fortifiée

An 1000 : construction du 2ème château

Succédant au « castrum » mérovingien, une deuxième fortification est érigée à quelques centaines de mètres de là, en position dominantes. Elle sera vite entourée d’un village.
C’est en cet endroit, déjà marqué par les évènements que grandit et prospère la famille de Scorailles dont le nom est inséparable de la Haute-Auvergne et de la France.
Alliés aux plus grandes familles, tels les vicomtes de Turenne, Combor, Limoges et Vendatour, les comtes de Périgord et de Rodez, eux-mêmes proches parents des comtes de Champagne, des ducs de Normandie et de Bretagne, des rois d’Angleterre, de Castille et d’Aragon, les Scorailles, dont les armes familiales portent « d’azur à trois bandes d’or », participeront en effet à tous les évènements heureux ou malheureux que connaîtra notre pays au fil des siècles.

1095 : départ de Guy et Raoul de Scorailles pour la Première Croisade

Un grand élan religieux souffle sur le royaume de France. L’Auvergne reçoit l’auguste visite du souverain Pontife : Urbain II, venu présider le Concile de Clermont. La papauté se sent très bouleversée depuis la prise de Jérusalem, tombée aux mains des Turcs en 1076. Il faut aller délivrer le tombeau du Christ : « Dieu le veut ! ».

De nombreux seigneurs auvergnats se rallient à son désir et prennent la croix. Les frères Guy et Raoul de Scorailles suivent le mouvement. Ils se feront vite remarquer par leur bravoure. A leur retour de Terre Sainte, ils ramènent les reliques de Saint-Côme et Saint-Damien, patrons des médecins, qu’ils confient à l’Abbaye voisine de Brageac.

1220 : Algayette de Scorailles

Après une enfance passée au château de Scorailles, Algayette se marie en 1212 avec Henri comte de Rodez, vassal d’Alphonse II d’Aragon. Ce grand seigneur, épris de poésie courtoise, entretient à sa Cour plusieurs troubadours dont Uc Brunenc qui s’éprend de la belle Algayette. Après son éloignement de la cour d’Henri pour des raisons obscures, Uc Brunenc se retire chez les Chartreux où il meurt en 1223… Les chants inspirés par Algayette étaient connus du grand Pétrarque qui appréciait les troubadours provençaux et notamment Uc Brunenc…

Du Moyen-Âge à la Révolution

1470-1485 : Construction du 3ème château

L’ascension de la famille se poursuit au fil du Moyen-Âge. Louis de Scorailles, époux de Geneviève de la Roche-Aymon, est un grand seigneur.

D’abord attaché au service du duc de Berry, il défend avec vaillance, en 1421, la ville de Cosne-sur-Loire encerclée par les Anglais et les bourguignons. Il sera plus tard conseiller et chambellan de Charles VII, puis sénéchal du Berry et du Limousin.
L’antique demeure familiale tombe en ruine, suite à la guerre contre les Anglais qui dure depuis si longtemps, et à une coseigneurie compliquée.

C’est à Marquès de Scorailles, fils de Louis, que revient la tâche de redonner à sa famille une demeure décente. Plutôt que de remonter les ruines du vieux château, il décide, vers 1470, de se déplacer de 300 mètres au nord et d’en construire un neuf sur l’emplacement d’un ancien vignoble. La période étant encore peu sûre, le nouveau château, dit de La Vigne-Scorailles, sera construit sur le mode défensif, avec tours, chemins de ronde, mâchicoulis et fossés.

La Vigne gravure du XIX° siècle
La Vigne en 1530 (peinture murale Studiolo)

François de Scorailles sera le premier de la lignée des Scorailles à habiter réellement le château au début du XVIe siècle. Néanmoins il consacrera une grande partie de sa vie à la guerre participant en vaillant chevalier aux campagnes d’Italie au côté du Roi François Ier. Il figure d’ailleurs parmi les dignitaires de l’Ordre royal de Saint Michel en octobre 1569 dans le recueil historique des chevaliers de cet ordre prestigieux.

Il procède à l’agrandissement et à l’embellissement du château de La Vigne en même temps qu’il veille à étendre son domaine par l’achat de nombreuses terres ou seigneuries voisines. On lui doit les décors Renaissance du château dans le studiolo et la chapelle dont il obtiendra de l’évêque de Clermont en juin 1551 une fondation perpétuelle d’une messe quotidienne.

1486 : un troubadour chez le seigneur de Scorailles

En cette fin du XVème siècle, la famille de Scorailles jouit d’un grand prestige. Toute la noblesse des environs se presse au château, en cette semaine de Quasimodo (semaine suivant le premier dimanche de Pâques), pour s’y divertir et écouter les chroniques de Christophe Malivoir, troubadour de renom…

En 1819 paraît chez Didot à Paris un ouvrage précieux intitulé « l’historial du jongleur ». L’ouvrage rapporte une fête donnée au château d’Escorailles en 1486 par le troubadour Christophe Malivoir. Les érudits locaux prennent l’affaire très au sérieux et vantent le niveau culturel de la noblesse auvergnate ! Il s’agit en fait d’un pastiche inspiré par la mode « troubadour » !

1650 : passage de la Princesse de Condé et du Duc de Bouillon pendant la Fronde

Les Scorailles prennent le parti des Princes pendant la Fronde. Fuyant Mazarin et cherchant à rejoindre, par des chemins détournés, Bordeaux, où son mari a des partisans, la Princesse de Condé, accompagné de son fils, le tout jeune duc d’Enghien, fait étape à La Vigne-Scorailles le 14 mai 1650. Elle y sera accompagnée par Frédéric-Maurice de La Tour d’Auvergne, Duc de Bouillon, et par le duc François de La Rochefoucauld, venus escorter la princesse avec un détachement de mousquetaires. Attaché à la maison de Condé, Pierre Lenet accompagne aussi la princesse. Il est le protégé du prince de Condé, père du Grand Condé. En 1641, il devient procureur général au Parlement de Dijon en survivance de son père et en plus procureur général à la table de marbre. Il est Conseiller d’État en 1643 ou 1645.). Voici son récit de l’événement tiré de l’extrait de ses mémoires relatifs à l’histoire de France depuis l’avènement de Henri IV jusqu’à la paix de Paris conclue en 1763 : 

« Le lendemain 14, elle monta en litière ; et étant arrivée dans une plaine près d’Anglards de Salers, où elle monta à cheval, elle rencontra les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld à la tête de plusieurs gens de qualité. Elle les salua avec toute la civilité possible : elle fit à chacun des caresses proportionnées à leur naissance et à leur mérite, et leur donna des témoignages de sa reconnaissance tels que méritaient ceux de leur amitié et de leur engagement pour le prince son mari. Elle leur présenta le jeune duc son fils, qui dit fort agréablement aux ducs : « je n’ai en vérité plus peur du Mazarin, puisque je trouve ici avec tant de braves gens ; et je n’espère la liberté de mon bon papa que de leur valeur et de la vôtre. » Ce petit compliment d’un enfant de sept ans donna bien de la joie et de la tendresse à toute cette noblesse ; et ils dirent tous qu’il y aurait plaisir à cultiver une plante d’autant d’espérance qu’il s jugèrent celle-là.
A cent pas de là étaient huit escadrons de cavalerie, belle, quoique ramassée. La princesse et monsieur son fils, le chapeau au poing, passèrent par les rangs. Ils firent les salves ordinaires ; et tous, l’épée à la main, firent des protestations confuses et passionnées de mourir pour leur service, et firent un cri de guerre qu’on ouï depuis souvent retentir par les rues de Bordeaux, par celles de Paris, et presque par toutes celles du royaume, qui fut « vive le Roi et les princes et f… du Mazarin ! » Ils furent tous ensuite dîner chez le sieur de Scorailles. Là un gentilhomme envoyé du marquis de Lusignan vint complimenter la princesse, et lui dire que les Espagnols avaient voulu faire passer sept cent mille livres à Bordeaux par Blaye ; que le duc de Saint-Simon l’avait empêché, ce qui avait obligé le commandant du vaisseau qui les portait de les ramener à Saint-Sébastien ; qu’ils offraient de revenir en quinze jours, de secourir la princesse de quatre mille hommes de pied, de quinze vaisseaux de guerre, et de deux millions, pourvu qu’elle traitât avec eux. »
Pierre Lenet, Mémoires

1769 : séjour de Jean-Jacques Rousseau à La Vigne

Le nouveau propriétaire, Philippe-Balthazar d’Humières, fils d’Anne-Charlotte de Scorailles, est ouvert aux idées nouvelles et se pique de philosophie. Selon la tradition locale, il invite Jean-Jacques Rousseau durant l’été 1769 à séjourner chez lui. Ce dernier composera un herbier dont malheureusement les traces seront perdues à la fin du XIXème siècle.

1797 : passage à Ally de Jean-Baptiste Delambre

La Vigne se trouve sur la ligne Nord-Sud du Méridien de Paris comme s’y trouvent aussi Dunkerque, Perpignan … et l’Observatoire de Paris. Cette ligne, arpentée par l’astronome et mathématicien Jean-Baptiste Delambre (1749-1822), a permis au savant de calculer entre 1792 et 1799 la mesure du « mètre étalon » tandis que ce méridien donnait à la terre entière, jusqu’en 1911, « l’heure zéro ». De passage à Ally, paroisse où se trouvait La Vigne, Delambre s’arrêta au Relais de la Poste du village pour y dîner et coucher au début du mois de juin 1797.

Le château de La Vigne a été épargné des destructions révolutionnaires et n’a pas été confisqué ou spolié en bien national. En revanche, les recettes de l’ancien régime ont disparu et l’argent se faisait rare. C’est sans doute à ce moment que La Vigne a été moins entretenu et qu’une partie des terres ont été démembrés. Le château sera vendu à la fin du XIXème siècle. Dès lors les propriétaires vont se succéder.

L’époque Contemporaine

1912 : reprise et aménagements par Gabriel de Raffin de la Raffinie

C’est juste avant la Grande Guerre que Gabriel de Raffin, d’une vieille famille de Salers, achète La Vigne. Il entreprend, sous la conduite de l’architecte Emile Lemaigre, de nombreux travaux de réparation, de décoration et de confort. Hectare après hectare, il reconstitue patiemment la propriété d’origine du château. En 1942, un an avant sa mort, Gabriel de Raffin revend La Vigne à Robert Jégou.

1942-1945 : Robert Jégou, accueil de réfugiés et résistance

Le nouvel acquéreur, homme d’affaire du nord de la France, vient habiter La Vigne avec sa famille durant les années sombres de la guerre. L’éloignement du Cantal et ses difficultés d’accès permettent d’abriter discrètement un certain nombre de personnes recherchées par les Allemands, et en particulier des israélites qui auront ainsi la vie sauve. Le 14 juillet 1944 se déroule, à une dizaine de kilomètres au sud de La Vigne, près de Pléaux, une des plus vastes opérations de parachutage alliée, baptisée opération « Cadillac », et destinée à fournir armes et munitions aux maquis d’Auvergne et du Limousin qui font là leur jonction.

1951 : acquisition par Georges et Elisabeth du Fayet de la Tour

Les Jégou abandonnent La Vigne peu après la Guerre et c’est en 1951 que la demeure est acquise par la famille qui l’occupe actuellement. Ce n’est pas sans raisons que Georges du Fayet de la Tour et son épouse jettent leur dévolu sur le château de La Vigne. En effet issu d’une très ancienne famille de la région de Salers, Georges descend, par les femmes, des Scorailles. C’est donc un retour de cette demeure à sa famille d’origine. Les nouveaux occupants s’attachent donc très vite à leur nouvelle maison qu’ils remeublent dans son style. La Vigne, inscrit à l’Inventaire des Monuments Historiques en 1966, s’ouvre pour la première fois à la visite du public. C’est une page importante de sa longue vie. Georges et Elisabeth étant l’un et l’autre décédés prématurément, c’est leur fils Bruno et son épouse, née Anne du Teilhet de Lamothe, qui prennent en main en 1974 le destin de La Vigne.

Depuis lors la famille du Fayet de la Tour développe d’années en années des activités économiques et touristiques autour de ce monument historique devenu un des points forts de l’ouest cantalien.

Le château de La Vigne mis à l’honneur

Le château de La Vigne dans So Châteaux

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